© Shutterstock/curraheeshutter | Opérations de transfert de cargaisons pétrolières en mer.

UNCTAD
Des mers agitées pour le transport maritime mondial : la CNUCED met en garde contre l'incertitude, la volatilité et la hausse des coûts

Pour maintenir le cap, le monde doit de toute urgence stabiliser ses politiques commerciales, atténuer la hausse des coûts de transport maritime et promouvoir des infrastructures durables et résilientes.

  • Ralentissement de la croissance du commerce maritime
  • La géopolitique redessine les routes maritimes et fait grimper les coûts
  • La volatilité et le niveau élevé des taux de fret affectent les économies vulnérables
  • Le transport maritime doit passer au numérique et au vert
  • Le renouvellement de la flotte et des carburants plus propres sont essentiels, mais les écarts d'investissement persistent

Le transport maritime mondial, qui achemine plus de 80 % du commerce mondial de marchandises, entre dans une période de croissance fragile, de hausse des coûts et d'incertitude croissante, selon le rapport d’ONU  commerce et développement (CNUCED) intitulé Review of Maritime Transport 2025, Staying the course in turbulent waters (Etude sur les transports maritimes 2025, Maintenir le cap dans des eaux tumultueuses), publié le 24 septembre.

Après une croissance soutenue l'année dernière, le commerce maritime devrait stagner en 2025, avec des volumes en légère hausse (+0,5 %). Les changements d’itinéraires sur de longues distances causés par les tensions géopolitiques ont maintenu un haut niveau d’activité pour les navires l'année dernière, avec une croissance record de près de 6 % en tonnes-milles.

 

 

« Les transitions à venir – vers le zéro carbone, les systèmes numériques, les nouvelles routes commerciales – doivent être des transitions justes », a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire Générale de la CNUCED. « Elles doivent être source d'autonomie, et non d'exclusion. Elles doivent renforcer la résilience, et non accroître la vulnérabilité. »

Des routes commerciales en pleine mutation

Les tensions politiques, les nouveaux droits de douane, l'évolution des schémas commerciaux et la reconfiguration des voies maritimes sont en train de redessiner la géographie du commerce maritime.

Les États-Unis d'Amérique et plusieurs de leurs partenaires commerciaux ont annoncé des mesures politiques, notamment de nouveaux droits de douane et des frais portuaires aux États-Unis pour certains navires construits ou exploités à l'étranger. Ces mesures pourraient avoir une incidence supplémentaire sur les coûts et les routes maritimes.

Il en résulte davantage de réacheminements, d'escales manquées, de trajets plus longs et, en fin de compte, une augmentation des coûts. Le transport maritime d'énergie est également en transition : les volumes de charbon et de pétrole sont sous la pression des efforts de décarbonisation, tandis que le commerce du gaz continue de se développer.

Les minerais critiques, essentiels pour les batteries, les énergies renouvelables et l'économie numérique dans son ensemble, deviennent une nouvelle source de tension dans le commerce mondial, avec des rivalités pour sécuriser les approvisionnements et créer de la valeur au niveau national. La logistique maritime est essentielle pour permettre aux pays en développement de saisir les opportunités offertes par les minerais critiques.

 

 

Coûts de fret en hausse et volatilité

Les taux de fret sont devenus plus volatils, des perturbations telles que la crise de la mer Rouge en 2024 ayant entraîné une forte hausse cette année-là. Par ailleurs, les tensions géopolitiques persistantes en 2025 font craindre des répercussions susceptibles de perturber l'activité maritime dans le détroit d'Ormuz. 

 

 

Les coûts de mise en conformité environnementale, y compris la tarification des émissions, redéfinissent l'économie du transport maritime.

La persistance de coûts de transport élevés risque de toucher plus durement les pays en développement, en particulier les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA).

 

 

La CNUCED appelle à des mesures ciblées pour freiner l'augmentation de ces coûts, renforcer les performances portuaires, faciliter les échanges et améliorer la prévisibilité des politiques commerciales.

Les ports doivent s'adapter et gagner en efficacité

Les ports sont soumis à des perturbations qui entraînent des engorgements et des temps d'attente plus longs. 

 

 

Ils doivent également investir dans des opérations plus propres, plus efficaces et plus intelligentes. Les systèmes numériques, tels que les guichets maritimes uniques et les systèmes portuaires communautaires, aident certains pays à réduire leurs coûts et leurs retards, mais de nombreuses économies en développement sont encore à la traîne.

La CNUCED exhorte les gouvernements à mettre en œuvre les engagements mondiaux en matière de facilitation des échanges et d'automatisation, et à développer les partenariats public-privé dans les opérations portuaires. À mesure que la numérisation progresse, la cybersécurité devient une priorité essentielle.

Défi climatique : rendre la flotte plus écologique

Les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime ont augmenté de 5 % en 2024. Seuls 8 % du tonnage de la flotte mondiale sont équipés pour utiliser des carburants alternatifs, et les taux de recyclage des navires restent faibles. Le cadre « zéro émission nette » de l'Organisation maritime internationale (OMI), dont l'adoption devrait être examinée en octobre 2025, fixera une norme mondiale en matière de carburants et introduira un mécanisme de tarification des GES à partir de 2028, avec un fond susceptible de soutenir les pays en développement.

 

 

Le recyclage des navires devra croître tout en respectant les pratiques durables en la matière. La Convention de Hong Kong sur le recyclage sûr et écologiquement responsable des navires est entrée en vigueur en juin 2025 et couvre 90 % du marché mondial du recyclage.

La CNUCED avertit que la décarbonation du transport maritime entraînera des coûts importants, notamment pour le renouvellement de la flotte, l'adaptation des ports et des infrastructures nécessaires aux carburants alternatifs. Des signaux réglementaires clairs, des investissements plus importants et une coopération accrue entre les gouvernements, l'industrie et les acteurs financiers seront essentiels pour mener à bien cette transition.

L'aspect humain du transport maritime

Le rapport souligne également la nécessité de protéger les droits des gens de la mer, les cas d'abandon des marins ayant atteint un niveau record en 2024. L'amendement à la Convention du travail maritime qui entrera en vigueur en 2027 renforcera leurs droits au rapatriement et aux permissions à terre, mais une application effective est nécessaire.

Les priorités politiques définies par ONU commerce et développement sont les suivantes :

  • Stabiliser les politiques commerciales afin de réduire l'incertitude et de maintenir la fluidité sur les chaînes d'approvisionnement.
  • Investir dans des infrastructures durables, écologiques et résilientes pour les ports et le transport maritime.
  • Promouvoir la numérisation du secteur afin d'améliorer son efficacité et la transparence tout en garantissant la cybersécurité.
  • Accélérer le renouvellement et la modernisation de la flotte afin d'atteindre les objectifs climatiques et promouvoir un recyclage durable des navires.
  • Protéger les économies vulnérables contre les pires effets de la hausse des coûts de transport maritime.