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Renforcement de la productivité, des institutions et du commerce électronique au Sénégal
Farai Samhungu et Paulin Zambelongo
RÉSULTATS CLÉS
- Augmentation des volumes d’exportation de mangues de plus de 60% entre 2015 et 2021, le CIR ayant apporté un soutien pour la formation, le matériel et la qualité.
- Mise en place de Boutik221 grâce au soutien du CIR, ce portail de commerce électronique regroupant aujourd’hui plus de 600 entreprises et permettant ainsi à des acteurs de tout le pays de rejoindre l’économie numérique.
- Confiance accrue dans les produits sénégalais, grâce à des pratiques métrologiques améliorées et plus accessibles, y compris un service mobile innovant avec un camion d’étalonnage qui aide les entreprises isolées à certifier leurs produits.
- Capacités renforcées du Ministère du commerce pour mobiliser des ressources, dont plus de 3 millions d’USD provenant du budget national pour un projet mis en œuvre par l’Unité nationale de mise en œuvre du CIR (UNMO) dans le secteur de la chaine de valeur anacarde.
Le Sénégal est un pays d’Afrique de l’Ouest relativement stable, voisin du Mali, de la Mauritanie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée. Sa population de 16,7 millions d’habitants, principalement urbaine, compte 60% de jeunes (moins de 35 ans). Le Sénégal est connu comme la « porte de l’Afrique », car il se situe tout à l’ouest du continent, au carrefour de plusieurs grands itinéraires maritimes et aériens.
Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, le Sénégal a un produit intérieur brut (PIB) de 27,68 milliards d’USD et un revenu national brut par habitant de 1 599 USD (chiffres pour 2022). Les principaux moteurs de l’économie sont les industries extractives, la construction, le tourisme, la pêche et l’agriculture. Après une période de croissance négative due à la COVID-19, le pays a enregistré une croissance économique de 6,5% en 2021, puis seulement 4,2% en 2022 en raison des effets climatiques défavorables, de la baisse des investissements et du ralentissement économique mondial lié à la guerre en Ukraine. En 2021, le Sénégal remplissait deux des trois critères pour sortir de la catégorie des PMA (revenu par habitant et capital humain), et une nouvelle évaluation est prévue en 2024.
Le soutien du Cadre intégré renforcé (CIR) au Sénégal était axé sur cinq domaines: meilleure intégration du commerce dans les stratégies nationales de développement, renforcement des capacités institutionnelles dans le secteur public et le secteur privé, amélioration des conditions de l’activité des entreprises, développement des chaînes de valeur agricoles (principalement les filières mangue et noix de cajou), et développement du potentiel du commerce électronique.
Améliorer la Compétitivité de la Mangue Sénégalaise
Le CIR a contribué au succès du Sénégal dans la filière mangue, le pays étant aujourd’hui l’un des principaux producteurs de mangues en Afrique de l’Ouest. Avec le soutien du CIR, la production est passée de 135 000 tonnes en 2015 à 150 000 tonnes en 2018. En outre, 2 291 personnes (dont 60 % de femmes) et 111 micro, petites et moyennes entreprises ont reçu une formation sur les bonnes pratiques agricoles, l’amélioration de la production sur toute la chaîne de valeur et la commercialisation. Les capacités de stockage des mangues ont également été améliorées. Par exemple, FELTIPLEX, un centre de conditionnement, a été renforcé par l’acquisition de nouveaux équipements et la construction d’une chambre froide moderne afin d’augmenter la capacité de stockage des mangues et de permettre aux exportateurs de mangues de répondre aux normes internationales d’exportation.
D’après Mouhamadou Moustapha Thioub, économiste spécialiste des politiques commerciales à l’UNMO, la productivité et les volumes d’exportation ont considérablement augmenté:
Grâce au soutien apporté au projet mangue sur l’ensemble de la chaîne de valeur, les exportations de mangues sont passées de près de 17 000 tonnes en 2015 à 22 000 tonnes en 2018, soit une augmentation de 30%, surpassant l’objectif de 21 000 tonnes fixé dans le cadre logique révisé. La productivité a augmenté (58,7%), de même que l’offre de qualité exportable (34%). En 2021, le Sénégal a exporté 27 475 tonnes de mangues vers plusieurs pays européens (Italie, Pays-Bas, France, Espagne, Allemagne et Royaume-Uni) et vers des marchés africains comme le Ghana et le Maroc.
Autre succès notable pour la filière mangue: entre 2015 et 2017 le revenu d’exploitation brut a augmenté de 12% pour les producteurs (d’environ 1 000 USD à 1 400 USD) et de 2,7% pour les transformateurs rentables (d’environ 9 500 USD à 9 700 USD). Ces progrès sont attribués au soutien fourni par le CIR à 30 sociétés pour les aider à accéder aux marchés internationaux et à se procurer des matières premières. La part des entreprises de transformation s’approvisionnant auprès de producteurs partenaires est ainsi passée de 25% au début du projet à 83%.
Voici le témoignage de Mamour Gueye, Président de la Plate-forme d’innovation Mangue et Vice‑Président de l’Interprofession Mangue Sénégal:
Actuellement, notre production sur 30 hectares est exportée vers l’Italie de janvier à avril. Nous employons 400 saisonniers pour la récolte, 75 pour le conditionnement, et 10 salariés permanents. Nous avons bénéficié du soutien dans le cadre du projet mangue pour la certification Global GAP et pour un voyage d’étude, en vue de stimuler la production, d’élargir notre clientèle et de résoudre finalement le problème des transferts de devises. De plus, les séminaires de renforcement des capacités et la mise en place de l’unité de transformation de Bignona ont eu un effet stimulant pour nos activités.
Le soutien portait aussi sur la prévention des problèmes phytosanitaires à l’exportation, et une unité semi-industrielle de production de pulpe de mangue a été construite et équipée à Bignona, pour un coût total de quelque 815 000 USD, avec une capacité de transformation de 6 tonnes par jour.
Le Soutien pour la Filière Anacarde
Afin d’appuyer davantage le Sénégal dans sa démarche de diversification économique, le CIR a financé la préparation et la formulation du projet d’appui à la compétitivité de l’anacarde sénégalaise (PACAS), qui visait à accroître à la fois la productivité dans la filière anacarde et l’offre exportable de produits transformés de qualité. Le gouvernement sénégalais a investi 3 millions d’USD pour la mise en œuvre sur une période de trois ans (2022-2024), ce qui témoigne clairement de son engagement pour l’appropriation locale, la durabilité et le renforcement de l’UNMO en vue de mobiliser des fonds nationaux.
Avec l’Interprofession Cajou du Sénégal comme principal partenaire de mise en œuvre, le projet CIR/UNMO a enregistré plusieurs résultats positifs, et 602 acteurs (producteurs, transformateurs, négociants) ont été formés et aidés pour l’installation d’équipements d’une valeur de plus de 115 000 USD.
Nous avons acquis de nouvelles connaissances pour accroître la productivité grâce aux bonnes pratiques agricoles avec le CIR, ce qui a permis d’augmenter beaucoup notre production totale, de 9 000 à 9 730 tonnes. Avec un matériel de plus grande qualité, nous avons pu choisir les meilleures greffes pour optimiser le rendement. Grâce à la formation et aux nouveaux équipements fournis dans le cadre du projet PACAS, nous avons amélioré la qualité des produits de la pépinière à la commercialisation, de manière à répondre aux exigences du marché international. La production sur ma plantation est passée de 450 à 750kg.
Amadou Lamine Cisse, producteur de noix de cajou à Sokone, dans la région centrale de Fatick of Fatick
Le Renforcement des Capacités Institutionnelles
Le succès des activités décrites ci-dessus s’appuie sur des structures efficaces soutenues par le CIR. Depuis 2015, le CIR a aidé le Ministère du commerce et les institutions connexes à s’intégrer effectivement dans le système commercial international. L’établissement de l’UNMO a été essentiel pour faire en sorte que le soutien au Ministère du commerce soit bien canalisé en vue de répondre aux priorités du pays, s’agissant en particulier de faciliter l’intégration du commerce dans les stratégies et plans de développement socioéconomique du pays. Pour Mouhamadou Moustapha Thioub, « l’UNMO est désormais une entité qui suit de façon indépendante les projets et les initiatives d’intégration du commerce, trouve des financements pour des stratégies et des actions de développement du commerce, et collabore avec d’autres secteurs pour promouvoir la diversification ».
Le CIR a financé la mise à jour de l’Étude diagnostique sur l’intégration du commerce (ÉDIC) afin de regrouper et d’aligner les besoins émergents pour le développement, ce qui a conduit à l’élaboration d’une stratégie d’intégration du commerce. L’élaboration d’un plan d’action connexe dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent a orienté les mesures et les politiques commerciales du pays vers une croissance tirée par les échanges. En particulier, la combinaison des initiatives de l’Aide pour le commerce et la coordination renforcée de l’assistance technique liée aux donateurs dans le domaine du commerce ont effectivement renforcé la capacité du Sénégal à s’attaquer aux priorités définies dans l’EDIC. Des résultats tangibles ont été obtenus en matière de mobilisation des ressources grâce à l’amélioration des capacités institutionnelles.
En 2015, le CIR a également soutenu l’élaboration d’une politique pour la période 2016-2020 sur la pêche et l’aquaculture. D’après des travaux menés en 2021 par Idrissa Diedhiou de l’Institut sénégalais de recherches agricoles, le secteur de la pêche représentait en 2016 environ 15% des recettes d’exportation du pays, et employait plus de 500 000 personnes, dont 30% de femmes. Les politiques sectorielles contribuent à la croissance économique, mais il faudrait faire davantage pour conserver les ressources halieutiques. Le CIR a aidé le Ministère du commerce à actualiser sa politique de développement sectorielle (2018-2022), et a dispensé une formation ciblée à différents acteurs publics et privés.
Un Portail de Commerce Électronique Sénégalais pour l’Internationalisation
Dans le monde entier, les économies ont recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC) pour aiguillonner la croissance économique. Or les pays africains comme le Sénégal ne sont pas en reste. La priorité accordée à l’économie numérique dans le Plan Sénégal Emergent souligne son importance pour l’État sénégalais. Deux documents stratégiques pour ce secteur ont été élaborés avec l’appui du CIR: la Stratégie nationale de développement du commerce électronique, et la Stratégie nationale pour le développement et la promotion des exportations de services du Sénégal.
Afin de tirer parti des possibilités offertes par le secteur dynamique des TIC au Sénégal, le CIR a soutenu la création d’un portail de commerce électronique pionnier pour un environnement commercial tenant compte de la dimension numérique. Il y a presque deux ans, le Ministère du commerce a lancé, par l’intermédiaire du CIR/UNMO, un portail national de commerce électronique baptisé www.boutik221.sn. Cette plate-forme permet désormais à de petites et moyennes entreprises de créer des boutiques en ligne qui peuvent accéder à la fois au marché national et au marché international.
Pour Ibrahima Diagne, Administrateur général de la société qui a techniquement aidé à créer le portail, Gainde2000, le but était d' »aider les entreprises à atteindre les consommateurs dans tous les grands centres urbains, surtout ailleurs qu’à Dakar, où sont actuellement concentrés les services de commerce électronique ». Dans le cadre d’un partenariat avec le programme « Force N » de l’Université Cheikh Hamidou Kane, 146 jeunes ont été formés dans ce domaine. Le Sénégal a accéléré le déploiement du portail de commerce électronique pour assurer l’accès à des services essentiels pendant la pandémie de COVID-19. Le 30 juin 2023, au total 1 462 entreprises y étaient enregistrées, dont 585 (40%) appartenant à des femmes.
La Métrologie pour Améliorer la Qualité des Produits d’Exportation
Dans le but d’améliorer la qualité et le niveau des produits d’exportation sénégalais, le CIR a financé le développement de la capacité métrologique du pays. Ce projet répondait spécifiquement à une recommandation de l’ÉDIC visant à renforcer l’infrastructure qualité. Une structure nationale de référence pour la métrologie a été établie en vue de faciliter un commerce loyal grâce à l’harmonisation des normes documentaires et à leur alignement sur les normes internationales.
Le CIR a soutenu la rénovation de trois laboratoires spécialisés et l’acquisition d’un nouveau matériel de pointe pour mesurer la masse, la température et la pression, y compris un véhicule aménagé pour que les entreprises isolées puissent certifier leurs produits. Le matériel et le camion mobile ont élargi la couverture géographique des services de métrologie et accru la crédibilité des entreprises.
Parmi les principales réalisations figurent la formation de plus de 100 techniciens de laboratoire à la métrologie de masse et l’élargissement de l’offre de services et de la couverture régionale, faisant des laboratoires soutenus des références régionales. Par exemple, le laboratoire LAME – l’un des bénéficiaires du projet – a étendu ses services métrologiques au-delà du Sénégal pour inclure la Guinée et le Burkina Faso. Le projet a également permis à 103 entreprises d’obtenir des autorisations de fabrication et de commercialisation ainsi que des certifications de codes-barres, renforçant ainsi leurs capacités commerciales et ouvrant de nouvelles opportunités de marché. En outre, il a soutenu la mise à jour des textes législatifs et réglementaires régissant la métrologie, garantissant ainsi la conformité avec les normes régionales et internationales.
Une Démarche de Durabilité
L’objectif du CIR était d’aider le Sénégal à se servir du commerce et de l’investissement pour s’intégrer dans les échanges mondiaux de manière à contribuer à la réduction de la pauvreté et au développement durable. Cette collaboration était axée sur l’amélioration des conditions de l’activité des entreprises pour favoriser une croissance inclusive et durable. Un soutien technique et financier a été fourni pour la stratégie nationale de mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine et pour le Comité national des négociations commerciales internationales.
Tous ces efforts soutenus par le CIR ont produit les résultats suivants: meilleure intégration du commerce dans les stratégies nationales de développement, renforcement des capacités institutionnelles dans les secteurs public et privé, amélioration des conditions de l’activité des entreprises, développement des chaînes de valeur agricoles principalement dans les filières mangue et noix de cajou, et élaboration de politiques fondées sur des données probantes et de cadres réglementaires pour la pêche, l’agriculture, les services et le commerce électronique. L’appropriation locale des initiatives lancées par le CIR est forte, comme en témoignent le cofinancement de projets et les investissements dans les infrastructures du gouvernement du Sénégal.
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