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Etat du marché des services financiers numériques au Gabon
Grâce à des investissements conséquents dans les technologies de l’information et de la communication, et la construction d’un réseau de fibre optique à haut débit, le Gabon est aujourd’hui l’un des pays les plus connectés du continent. La couverture réseau est bonne. Plus de 94 pour cent de la population gabonaise a accès à la technologie 4G et plus encore à la 2G. Le coût de l’accès Internet dans le pays a été divisé par dix en une dizaine d’années. Le développement de ces infrastructures s’est accéléré à la faveur du Plan Stratégique Gabon Émergent 2025, avec pour objectif de faire du Gabon un hub d’interconnexion numérique pour l’Afrique centrale. Dans la région, l’interopérabilité des systèmes de paiement est par ailleurs une réalité depuis 2020.
Avec un produit intérieur brut par tête de 16 470 US$ en 2022, le Gabon figure parmi les économies les plus riches d’Afrique. Le niveau de pouvoir d’achat et l’accès aux infrastructures numériques, facilité en ville, devraient favoriser, en théorie, l’usage des services financiers numériques (SFN). Or, un gap existe entre l’utilisation réelle des services financiers en général et le niveau relativement avancé de l’économie.
Un paradoxe illustré par le taux de pénétration du mobile de 135,4 pour cent en 2022, qui est l’un des plus élevés d’Afrique, et en même temps un taux d’activité des comptes électroniques à 33 pour cent, inférieur à la moyenne de la région.
Malgré un niveau de maturité numérique des utilisateurs Gabonais jugé supérieur à la moyenne africaine, l’usage du Mobile Money est peu développé et limité à des opérations simples : retraits, paiements auprès des commerçants et des entreprises, transferts d’argent, achats de forfaits téléphoniques et dans une moindre mesure pour régler les factures d’eau, d’électricité ou d’abonnement TV.
Comment expliquer un tel paradoxe ?
Une première réponse peut être apportée par la place encore importante du cash dans l’économie gabonaise. Un fait qui plaide pour le renforcement de l’éducation financière et numérique, afin de faire la démonstration des avantages à recourir à la finance numérique pour accéder à des services comme le crédit, l’épargne, l’assurance, la collecte de fonds, plus facilement et à moindre coût. C’est particulièrement vrai pour les populations rurales et les moins éduquées, pour ceux aussi qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat.
En l’absence d’une stratégie dédiée, le pays est par ailleurs en retard concernant l’inclusion numérique des femmes. Il gagnerait à mettre en place des politiques ciblées, afin que les Gabonaises puissent elles-aussi se saisir des innovations numériques. Les jeunes et les populations les plus pauvres, notamment en zone rurale, restent également éloignés des opportunités économiques. Le tableau de bord de l’économie numérique inclusive (IDES), outil de performance stratégique développé par United Nations Capital Development Fund, finalisé pour le Gabon en juillet 2023, permettra d’accompagner le gouvernement dans la transformation numérique de son économie et de suivre les progrès.
Pour exploiter pleinement son potentiel, le Gabon devra aussi déverrouiller les contraintes de marchés et élargir l’offre des SFN, tout en garantissant un environnement réglementaire propice au développement de l’écosystème des SFN et favorable à une concurrence élargie.
Le marché des SFN au Gabon s’est consolidé autour de deux opérateurs de téléphonie mobile principaux, Gabon Telecom (qui a fusionné avec Moov) et Airtel Gabon, détenant chacun la moitié environ des parts de marchés du parc d’abonnés à la téléphonie mobile. Seul Airtel Gabon a reçu son agrément d’établissement de paiement. Gabon Telecom propose un service de Mobile Money grâce à un partenariat conclu avec la banque UGB. La délivrance de licences d’établissement de paiement et d’Émetteur de Monnaie Électronique (EME) prend du temps et ralentit en conséquence l’entrée de nouveaux entrants sur le marché des SFN, des fintechs notamment. Ce qui explique également une moindre sensibilisation et donc utilisation des SFN par la population.
Les banques ainsi que les établissements de microfinance entendent également se positionner sur le marché des SFN.
Selon la Banque des États de l’Afrique centrale, en 2020, les transactions en monnaie électronique avaient dépassé 2 062 milliards de francs CFA au Gabon, en hausse de plus de 340 pour cent sur cinq ans.
L’identification numérique est une condition essentielle du développement des SFN. Aujourd’hui, tous les Gabonais doivent présenter une pièce d’identité pour l’ouverture d’un compte financier numérique ou effectuer une transaction. Une règle qui n’est pas compatible avec les réalités du terrain, surtout en milieu rural. Pour servir davantage de clients, les fournisseurs de services financiers demandent un assouplissement de la réglementation afin d’accepter l’acte de naissance comme document d’identification « Know Your Customer », assorti d’un plafond de transactions.
Le Gabon a fait de l’emploi des jeunes et de l’adaptation au changement climatique ses priorités pour les prochaines années. La résilience face au changement climatique, la transition verte, l’innovation en faveur de la protection de la biodiversité sont sources d’emplois verts, pour les jeunes et les femmes, clés d’une croissance durable. La digitalisation peut être un outil transversal puissant pour répondre à ces enjeux.
Des opportunités sont à saisir également pour développer la digitalisation des chaînes de valeur agricole. Le potentiel agricole est important, mais reste sous exploité. La digitalisation dans le secteur agricole pourrait se traduire par la création de places de marchés et de plateformes en ligne, facilitant la commercialisation des produits. Pour les petits agriculteurs, l’outil numérique pourrait faciliter l’accès aux services financiers, microfinance et micro-assurance, ainsi que l’accès aux informations.
- -ACSIS
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- | décembre 20, 2023